Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Friends paradise !

Friends paradise !

Un blog rédigé par des amis rien que pour vous.


A tombeau ouvert (Bringing out the Dead) de Martin Scorsese

Publié par Antoine sur 14 Juillet 2014, 23:00pm

A tombeau ouvert (Bringing out the Dead) de Martin Scorsese

Petit-fils d’immigrants siciliens , élevé dans le quartier de Little-Italy à New-York, Scorsese est détourné de sa vocation religieuse par le rock and roll et le cinéma. Deux postulations apparaissent clairement dans son tempérament créateur : révéler la réalité ou l’instituer en spectacle.


La réalité se trouve à la base de l’histoire de ATO qui adapte le roman autobiographique de Joe Connelly (Ressusciter les morts). Elle est biaisée une première fois par le romanesque, une deuxième par l’adaptation cinématographique à travers un scénario signé Paul Schrader qui dit avoir voulu " débarrasser le texte de tout son fatras d’inspiration catholique ". Le catholicisme donc, lui aussi facteur de déformation du réel ? Le catholicisme -- en tout cas comme point de vue et horizon (l’auteur dit avoir voulu faire de son héros un Christ qui a perdu ses pouvoirs divins)--, Scorsese, en dépit des déclarations de son scénariste, est loin de l’avoir laissé de côté. La vision chrétienne apparaît en effet comme moyen de mise en spectacle, comme moteur de la mise en scène : éclairages qui auréolent, contre plongées qui sacralisent, postures iconiques.


Autre mise en forme, le héros narrateur-conscience (Frank interprété par Nicolas Cage) conditionne la mise en images et sa conscience est malade, affectée : les aspects les plus spectaculaires étant les scènes "fantastiques" où l'espace urbain se peuple de fantômes surgis du souvenir de Frank. Le spectateur est lui-même plongé dans un monde incertain : où s’arrête la vision ?


Son désarroi suscite une mise en mouvement frénétique, seul moyen d’échapper aux fantômes qui l'assaillent lors des moments de pause. Le rythme du film étant ici remarquablement solidaire de celui de son héros enfermé en lui-même, comme prisonnier du film. Frank ne parvient pas à communiquer avec les trois ambulanciers qu'il côtoie successivement. La véritable délivrance est à chercher du côté du rétablissement du lien avec les vivants, avec la vivante Mary, qui est aussi une rescapée.


La voix du dispatcher, sorte de Verbe divin, dirige la destinée de l'ambulance et cette voix est bien sur celle du metteur en scène, Martin Scorsese en personne. Cette voix directrice soulève la question du libre arbitre. Tant qu’il peut sauver des vies Frank peut changer le cours des choses, il est libre, il est homme fait à l’image de Dieu et donc quelque peu divin lui-même. Quand tous meurent inéluctablement, il n’est plus qu’un témoin : non plus le Dieu tout puissant mais le martyr (étymologiquement le témoin) : il n’a plus aucun libre arbitre, sa fonction est autre que celle qu’il avait rêvée, il doit admettre n’être que ce qu’il est, un témoin de la souffrance anonyme. Mais pour porter ce témoignage il croit devoir souffrir lui-même : faute de pouvoir être Dieu il s’établit lui-même en figure christique. Son calvaire s’achève lorsqu’il accepte son incapacité à faire des miracles. Il peut alors se reposer dans les bras de Mary. Il est cette fois filmé de front. Et il incarne alors visuellement la figure christique tant recherchée, car à eux deux ils forment une piéta (une posture apaisée contrairement à celle de la " crucifixion " qu’il formait avec le dealer empalé sur une grille).


Scorsese avec ce film visuellement très abouti parvient par la mise en spectacle à approcher la réalité subjective de son personnage. La révélation est cinématographique : c'est celle du pouvoir intact de l'illusionnisme.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article

Archives

Nous sommes sociaux !

Articles récents